Jeune africaine à la tablette

"L’Afrique sous algorithmes : entre dépendance numérique et résistance culturelle"

À l’heure où les algorithmes dictent nos choix, nos goûts et nos opinions, l’Afrique se retrouve à la croisée des chemins. Consommatrice de technologies conçues ailleurs, elle subit une inculturation silencieuse qui menace ses imaginaires, ses savoirs et sa souveraineté numérique. Pourtant, face à cette dépendance algorithmique, des voix s’élèvent, des alternatives émergent, et une résistance culturelle s’organise. Cette tribune explore les enjeux profonds d’un continent en quête de maîtrise technologique et de réappropriation identitaire.

Par-delà les promesses de progrès, les algorithmes dessinent une nouvelle carte du pouvoir mondial. Et l’Afrique, souvent reléguée au rôle de spectatrice technologique, risque d’en payer le prix fort.

Dans le tumulte numérique qui redéfinit nos sociétés, les algorithmes sont devenus les nouveaux maîtres invisibles. Ils filtrent l’information, orientent les goûts, modèlent les comportements. Leur logique ? L’optimisation. Leur carburant ? Nos données. Leur finalité ? Le profit. Mais derrière cette mécanique bien huilée se cache une réalité plus inquiétante : celle d’une dictature algorithmique qui menace la diversité culturelle, la souveraineté politique et l’autonomie cognitive des peuples, en particulier sur le continent africain.

Une dépendance technologique structurelle

L’Afrique consomme des technologies qu’elle ne produit pas. Les algorithmes qui régissent les plateformes utilisées par des millions d’Africains sont conçus ailleurs, selon des logiques étrangères à leurs contextes sociaux, linguistiques et culturels. Cette dépendance se traduit par :

  • Une perte de souveraineté numérique, les données africaines étant captées et exploitées par des entreprises étrangères.

  • Une absence de contrôle sur les infrastructures critiques, comme les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou les systèmes de paiement.

  • Une standardisation des usages, dictée par des modèles occidentaux souvent inadaptés aux réalités locales.

Une inculturation algorithmique silencieuse

Les algorithmes ne se contentent pas de recommander des contenus : ils façonnent les imaginaires. En Afrique, cela se traduit par :

  • Une uniformisation des références culturelles, où les productions locales sont invisibilisées au profit de contenus viraux anglo-saxons.

  • Une modélisation des goûts, qui enferme les utilisateurs dans des bulles de recommandations, limitant leur curiosité et leur accès à la diversité.

  • Une érosion des savoirs traditionnels, marginalisés par des systèmes qui valorisent la nouveauté, la rapidité et la viralité.

Cette inculturation algorithmique agit comme une colonisation douce : elle ne s’impose pas par la force, mais par la séduction, la personnalisation et la répétition.


Des inégalités renforcées

Loin de réduire les écarts, les algorithmes risquent de les creuser :

  • La fracture numérique persiste entre zones urbaines et rurales, entre élites connectées et populations exclues.

  • Les services automatisés ignorent souvent les besoins des populations non connectées ou peu alphabétisées.

  • Les bénéfices économiques liés à l’IA se concentrent entre les mains de quelques acteurs, souvent étrangers, accentuant la dépendance économique.

Une opportunité à saisir, si elle est encadrée

L’Afrique peut aussi tirer parti de l’intelligence artificielle :

  • En développant des algorithmes locaux, adaptés aux langues et aux cultures africaines.

  • En investissant dans la formation numérique, pour créer une génération de développeurs, chercheurs et penseurs africains du numérique.

  • En instaurant des cadres juridiques solides, pour protéger les données, encadrer les usages et garantir une gouvernance éthique.

Mais cela suppose une volonté politique forte, une mobilisation citoyenne, et une vision stratégique à long terme.

Conclusion : résister pour exister

L’Afrique ne peut se contenter d’être un marché passif dans l’économie algorithmique mondiale. Elle doit devenir un acteur souverain, capable de penser, produire et réguler ses propres technologies. Car derrière les lignes de code se joue une bataille culturelle, économique et démocratique. Et dans cette bataille, l’inaction serait une forme de soumission.